YoonMin 4 – Le Prince de glace

– Co… Comment ça tu… tu m’aimes? bafouillé-je.

– Oui, confirme-t-il comme si c’était une évidence.

Ok, je suis super méga mal à l’aise, là.

– Bon, va chercher ton cheval, détourné-je aussitôt la conversation, on va se faire une balade.

Je me dirige vers Jin qui tient déjà mon destrier par les rênes. Tornade est un étalon à la robe aussi noire que le charbon détonnant magnifiquement avec ce paysage enneigé complètement blanc.

– Me voilà.

Je me retourne et, à mon grand étonnement, Jimin est sur un renne blanc.

– C’est ça ta monture?

– Sven 3e du nom! tapote-t-il amicalement l’animal.

C’est vraiment un excentrique!

Je me mets à galoper, certain que le renne ne pourra pas me suivre, mais celui-ci ma rattrape facilement en des bonds prodigieux.

N’arrivant pas à le semer, je décide de ralentir la cadence. Jimin reste à ma hauteur, semblant heureux d’être à mes côtés.

Ça me dépasse totalement.

Comment peut-on être heureux d’être avec moi?

Je peux à la rigueur comprendre pour mon père et mon frère, ils sont ma famille, mais lui, ce n’est qu’un inconnu…

– Ici, ce sera parfait! descend-il de son renne.

– Parfait pour quoi? descends-je à mon tour.

– Pour faire un igloo!

Un igloo?

Je me rappelle que j’en faisais quand j’étais gamin avec ma mère. J’étais même très doué pour ça! On pouvait passer des heures à le construire, puis on s’y blottissait l’un contre l’autre à l’intérieur pour boire un délicieux chocolat chaud.

– Tu es super mignon quand tu souris, m’avoue Jimin.

– Tu te trompes, je ne souriais pas, je ne souris jamais! Tu biglouches.

– Allez, viens! rit-il doucement.

– On ne peut pas faire des igloos comme ça! Ça prend des outils.

J’ai à peine fini ma phrase qu’il sort un ulu, ce couteau semi-circulaire pour couper des briques de neige.

– J’ai grandi en forêt, je sais très bien faire les igloos, hoche-t-il de la tête.

Il me tend un second outil.

– Je suis d’ailleurs certain que je peux faire bien plus de blocs que toi! se vante-t-il.

– Quoi? Tu as vu comme tu es gringalet? C’est moi qui gagnerais.

– Alors, prouve-le.

D’accord, je vais lui montrer de quoi je suis capable!

Je m’attèle aussitôt à la tâche.

Le temps est vraiment idéal. Ce n’est pas un froid qui vient mordre le visage, mais qui aide juste à former des briques de neige parfaites. Fier de ma première œuvre d’art, je me retourne pour le montrer à Jimin, mais me rends compte alors qu’il en a déjà finies trois.

Ce n’est pas vrai, je ne vais pas me laisser faire!

Je redouble d’efforts!

30 minutes plus tard, alors que j’étais concentré sur ma mission, un projectile froid vient heurter ma nuque. Je me retourne et vois Jimin, la tête dépassant d’un mur de briques de neige, me lancer une boule de neige sur le torse.

Ah ouais, c’est comme ça? Il veut la bagarre, il va l’avoir!

Je me positionne aussitôt derrière mon mur, le fortifiant, et prépare ma première boule. Je lève la tête pour la lancer, mais en reçois une en pleine poire.

Cette fois, c’est la guerre!

Je vais aussi vite que je peux, boule après boule, mais il semble en avoir une réserve inépuisable et il vise juste, vraiment juste.

Au début, je me fâche, mais il rit avec tant de plaisir, que je finis par entrer totalement dans le jeu.

À court de munitions, je décide de passer à une offensive plus directe, fonce vers les lignes ennemies malgré les projectiles, saute par-dessus ce qui reste de mur et plonge vers Jimin, l’écrasant au sol. Le corps allongé sur lui pour éviter qu’il ne se sauve, mes mains retenant ses poignets pour faire cesser toute attaque, mon visage est maintenant à quelques centimètres du sien.

– Je t’ai eu! crié-je triomphant.

– Oui, tu m’as eu…

Son expression n’est pas celle d’un vaincu. Il ne sourit plus non plus. La bouche entrouverte, les yeux mi-clos, il me fixe en respirant profondément. Je sens alors la chaleur de son corps contre le mien. Il me réchauffe, il réchauffe mon cœur.

Je me redresse, embarrassé.

– Puisque j’ai gagné, tu vas terminer l’igloo tout seul!

Je me lève d’un bond et me dirige vers la rivière avec les deux montures.

Je casse un peu sa surface pour les faire boire.

Je m’assis, ne cessant de voir, dans ma tête, le visage de Jimin qui me fixe.

– J’ai fini!

– Tu te fiches de moi? Ça ne fait même pas 5 minutes!

– Tu devais être plongé profondément dans tes pensées, car ça fait bien plus que 5 minutes.

Vraiment? Depuis combien de temps je pensais à lui?

– Allez, viens.

Je lui suis et, effectivement, l’igloo est terminé, et je dirais même qu’il est absolument parfait.

– Viens!

Il me prend par la main et m’amène à l’intérieur. Il y a peu de place, mais on arrive à s’asseoir ensemble sur une couverture, en se serrant bien trop près l’un de l’autre à mon goût.

– Le meilleur moment, me chuchote-t-il.

Un rayon de soleil, s’infiltrant par le trou laissé vacant dans le toit, vint éclairer son visage, le rendant féérique. Il est d’une beauté à couper le souffle.

– Tiens, c’est pour toi, me sourit-il.

Sa main offre quelque chose de chaud dans la mienne. Une odeur agréable, me rappelant de doux souvenirs, monte à mes narines : un chocolat chaud.

Co… Comment sait-il?

Je lève le regard vers lui :

– Qui es-tu?

– Quoi?

– Qui es-tu? lance le chocolat chaud contre la paroi glacé de l’igloo.

Son visage affiche une expression à la fois triste et coupable. J’en étais sûr! C’était trop beau pour être vrai! Il a un secret! Il ne m’aime pas, il ne veut pas être mon ami!

– Qui es-tu? hurlé-je.

– Tu… Tu es en colère?

– Oui, je suis furieux, je…

Je suis… furieux?

Je suis furieux?

Je… Je ressens une émotion?

Oui, je ressens une émotion!!!

Troublé, ayant à la fois envie de sourire et de pleurer, je me sens complètement perdu.

Puis… Il est là… dans mes bras…

Je ne sais pas si c’est lui qui s’est blotti contre moi ou si moi qui l’a enlacé, mais il est là.

Sa chaleur est si agréable.

Je m’en fiche de qui il est et d’où il vient. Il me fait tellement de bien.

Je sens ses lèvres effleurer mon cou.

Mon cœur se met à battre plus fort et plus vite.

Il l’embrasse.

Je reste immobile.

Mes yeux deviennent humides.

Non, je ne pleurais pas. Je n’ai pas pleuré pour la mort de ma mère, je ne pleurais certainement pas pour lui!

Je donne un coup de pied contre le mur, fragilisé par le chocolat chaud, qui s’effondre, monte sur Tornade et fuis vers le château.